Photo : Xavier Emmanuelli, Jean-Amédée Lathoud, Président du Pont

« Quand on n’est pas regardé, on ne se regarde plus »

Vendredi 19 octobre 2018, Xavier Emmanuelli a donné une conférence à la médiathèque sur l’évolution de la prise en charge des exclus.

Jean-Amédée Lathoud, Président du Pont, a retracé la carrière de ce grand humanitaire : « médecin urgentiste, cofondateur de médecins sans frontières, fondateur du SAMU social, et membre de plusieurs commissions sur le logement ou les milieux défavorisés, Xavier Emmanuelli a toute l’expérience pour nous faire partager ses convictions et ses méthodes pour combattre l’exclusion. »

« Pour les gens très exclus, il y a un divorce par consentement inconscient » ont été ses premiers mots, forts, reprenant le mot exclusion « en dehors du clos », c’est à dire exclus de notre manière de vivre et de penser.

« L’exclusion est liée à l’urbanisation » dit-il. « Depuis les années 50, on va vivre en ville ou en milieu péri-urbain », une façon de mettre en parallèle la société traditionnelle et la société urbaine.

Dans la société traditionnelle on trouve les coutumes, le consensus, le conservatisme, le rituel des situations ; dans la société urbaine les coutumes deviennent les lois, le consensus se transforme en débat idéologique, la société conservatrice cède la place à une société innovatrice, la société rituelle devient une société où il faut s’adapter. D’un côté nous avons un mode magique et spirituel, de l’autre un monde rationnel tourné vers la science et la technique.

Cette transformation de société a contribué à exclure certaines catégories : les prisonniers, les personnes âgées, les personne en situation de rue, les handicapés et les migrants. »

Se référant à un livre d’A.Vexliard, il repère 4 phases dans l’exclusion : l’agression, la dépréciation/dépréciation, la fixation et l’abandon.

« Dans les 2 premières phases, on peut travailler sur l’exclusion, ensuite c’est très difficile, dans la période de fixation, le clochard dit ‘je fais ce que je veux, je bois quand je veux, je vis où je veux », puis on arrive à une phase d’abandon. »

Quelques mots également sur la psychiatrie, l’ouverture des asiles, puis l’invention des neuroleptiques dans les années 50, qui sont un accompagnement. A Paris, 32% des grands exclus présentent des troubles psychiatriques ou psychiques.

Evidemment, Xavier Emmanuelli a évoqué les migrants : « Nous ne sommes qu’au début du processus, on ne reviendra pas en arrière sur les variations du climat, à contrario d’autres immigrations, l’immigration climatique sera irréversible. »

« On existe dans les yeux des autres », dit-il, « la civilisation vous explique comment vous devez être. Quand on ne vous regarde plus, c’est l’image de l’homme déchu qui s’impose. Les clochards savent qu’on n’a pas envie de les regarder, et ils se savent invisibles. Quand on n’est pas regardé, on ne se regarde plus.

Xavier Emmanuelli a fini sa conférence en souhaitant que le social et le médical travaillent ensemble et que chacun prenne son bâton de pèlerin pour aider, en fonction de ses compétences et de son expérience.

Une conférence longuement applaudie.

SOURCE : ARTICLE DE MACON INFOS, du vendredi 19 octobre 2018