Ils tendent la main à ceux qui sont loin de l’emploi

Toutes les entreprises ne sont pas obsédées par leur excédent brut d’exploitation. Certaines mettent l’humain au centre plutôt que le capital à tous crins. Sans ce genre d’employeurs, plus nombreux en Saône-et-Loire que ce que l’on pourrait penser, Cécilia, 46 ans, n’aurait jamais retrouvé un emploi et quitté la rue.

« Je suis trop contente, je suis passé des barres sur une feuille pour compter les conserves à des chiffres avec la calculette », n’en revient toujours pas Cécilia, en contrat d’insertion depuis quelques mois au sein d’Eco’Cook, une boutique créée et portée par l’association mâconnaise Le Pont. Née il y a 46 ans en Nouvelle-Calédonie, elle n’a pas eu la joie d’étudier. « J’ai quitté l’école très jeune pour pouvoir m’occuper de mes frères et sœurs », précise-t-elle. « Je ne sais donc pas trop compter, lire, et encore moins écrire le français. »

Que représente l’économie sociale et solidaire dans l’économie saône-et-loirienne ?

Infographie JSL

« J’étais condamnée à faire le ménage et à rester dans l’ombre »

Des lacunes scolaires qui l’ont desservie dans son insertion professionnelle quand elle est arrivée en métropole, à l’âge de 22 ans, d’abord à Bourg-en-Bresse avant de rejoindre plus tard Mâcon. Cécilia a postulé pour des emplois auprès des personnes âgées ou encore dans une fromagerie, sans jamais avoir de réponse positive après ses entretiens d’embauche.

Quel est le poids de l’économie sociale et solidaire dans les intercommunalités du département ?

Infographie JSL

« À chaque fois, il y avait des tests qui me fermaient les portes. À chaque fois, on me disait que ça n’allait pas le faire. » Même si elle a quand même pu trouver des petits jobs de femme de ménage ou dans un restaurant pour faire la plonge, Cécilia tombe vite dans la précarité. « Je me suis retrouvée à la rue, confie-t-elle sans tabou. Je fréquentais l’accueil de jour. En 2011, l’association Le Pont m’a confié des missions, et un premier emploi. J’ai pu être hébergée dans un hôtel social. Le 1er  décembre 2012, Mâcon habitat m’a trouvé un logement. » Quand elle a eu vent du projet de conserverie solidaire Eco’Cook, Cécilia a rejoint sa “cheffe” Céline Zwisler. « Aujourd’hui, je gère les stocks de conserves. Une activité qui me permet d’apprendre tous les jours. Je suis obligé de lire les étiquettes, de compter… » Ce travail lui a redonné confiance en elle et ce contrat (qui dure au maximum deux ans) lui permettra de rebondir et de se réinsérer.

L’association Le Pont m’a sorti de la rue, en me redonnant un emploi et en permettant de retrouver un toit.

Cécilia, 46 ans

Lors du premier salon de l’économie sociale et solidaire à Mâcon, porté par le Conseil départemental et la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire.  Photo JSL /Nathalie MAGNIEN

Vendredi 8 novembre, l’Embarcadère de Montceau accueille le 2e  salon de l’ESS

Quel rapport y a-t-il entre une structure d’insertion, d’action sociale, une banque coopérative ou encore une mutuelle d’assurances ? A priori, aucun et pourtant, dans tous les cas, il s’agit d’entreprises sociales et solidaires. Ces termes font référence à une économie dont la vocation est plus humaine, plus sociale ou environnementale que tournée vers la recherche du gain financier. Elle reste encore mal connue, même si elle a tendance à monter en puissance, surtout en temps de crise. « L’économie sociale et solidaire (ESS) innove, recrute des talents, s’adapte aux publics les plus en difficulté, crée du lien social là où il n’y en avait plus, souligne André Accary, président du Conseil départemental. Pour les collectivités, l’ESS est un véritable atout pour redynamiser le tissu local dans des filières très différentes, aussi bien pour les services à la personne que dans l’agriculture ou le bâtiment par exemple. Elle constitue une vraie opportunité aussi pour la création d’emplois pérennes, non délocalisables. » L’année dernière, en collaboration avec la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire, un salon avait été organisé à Mâcon, uniquement pour les professionnels. Cette année, face à l’engouement qu’il a connu, cette initiative va être reconduite en s’ouvrant au grand public. Ce salon aura ainsi lieu ce vendredi 8 novembre à l’Embarcadère de Montceau, de 9 à 17 heures. Au programme, des cafés-débats mettant en valeurs différentes initiatives, allant de la lutte contre la précarité ou le gaspillage alimentaire, au maintien à domicile, à la mobilité, au retour à l’emploi, à la lutte contre la fracture numérique…

Eco’Cook permet de transformer des invendus alimentaires et d’éviter qu’ils ne finissent dans une poubelle.  Photo JSL /Ketty BEYONDAS

Avec Eco’Cook, les invendus alimentaires ne sont plus jetés, mais cuisinés…

Depuis quelques mois, la boutique Eco’Cook, portée par l’association Le Pont, au numéro 26 de la rue Bigonnet à Mâcon, a ouvert ses portes au public. Cette structure d’insertion porte bien son nom : « du local en bocal ». À l’intérieur, onze salariés en contrat de réinsertion, encadrés par deux salariés permanents, préparent des soupes, des plats cuisinés et des confitures avec les invendus alimentaires collectés dans des magasins du Mâconnais (Grand Frais, Carrefour Market, Boucherie André, des maraîchers de la région…).

« Nous faisons la tournée le matin », explique Céline Zwisler, encadrante technique du magasin Eco’Cook. « L’après-midi, nous les cuisinons. Une partie pour être consommé dans les trois jours. Une autre que nous stérilisons et pasteurisons avec notre autoclave, qui permet d’avoir une durée de consommation de trois ans. »

Les mets préparés sont ensuite vendus pour une somme modique (moins de dix euros pour un menu) au grand public ou commandés par des administrations, essentiellement pour leur repas de travail à l’heure du déjeuner. Eco’Cook assure également chaque jour la fourniture de vingt repas froids et trente repas chauds à l’accueil de jour, géré par l’association Le Pont.

L’économie sociale et solidaire pèse 10,2 % de l’emploi salarié

L’économie sociale et solidaire (ESS) s’appuie sur un principe de solidarité et d’utilité sociale dans lequel le profit individuel est proscrit, les bénéfices sont réinvestis et la gouvernance est démocratique. En Saône-et-Loire, l’ESS représente 10,2 % de l’emploi salarié réparti sur 2 029 établissements employeurs (à 82 % des TPE de moins de 10 salariés) dont 81 % d’associations, soit 17 372 postes salariés (14 719 équivalents temps plein) et 71 % de femmes. C’est aussi 424 millions d’euros de masse salariale annuelle versée, soit 29 796 € en moyenne par équivalent temps plein contre 34 023 € dans l’économie privée, en dehors de l’économie sociale et solidaire. Avec plus de 500 salariés, une trentaine d’établissements et services et 30 millions d’euros de chiffres d’affaires, la Mutualité Française Saône-et-Loire est la première entreprise d’économie sociale et solidaire du territoire.

Dans le détail, 45 % des emplois de l’ESS sont dans le secteur de l’action sociale ; 11 % dans la finance et l’assurance ; 8 % dans la santé ; 5 % dans l’agriculture, l’industrie et construction ; 2 % dans l’hébergement et la restauration.

SOURCE : article du JSL du 06/11/2019 – Nicolas DESROCHES