Élodie Lamberet avec la jeune Ketevan, qui vient d’écrire son prénom et “bonjour” en géorgien.  Photo JSL /Marie PROTET

Elle s’appelle Ketevan, elle a 13 ans et elle est scolarisée en classe de 5e  à la cité scolaire Henri-Vincenot de Louhans. Cette jeune Géorgienne est arrivée à Louhans avec sa famille en novembre 2018. Jeudi matin, elle a participé à une intervention sur le parcours des migrants avec les autres élèves de sa classe. L’heure était animée par Élodie Lamberet, conseillère en économie sociale et familiale au sein du Centre d’accueil pour les demandeurs d’asile et du Centre provisoire d’hébergement de l’association Le Pont. Avec les élèves, elle a retracé les épreuves endurées par les migrants, de leur pays d’origine jusqu’à leur arrivée en France et leur demande d’asile.

L’exemple d’un Camerounais qui veut travailler au lac Tchad

Pour ce faire, Élodie Lamberet a demandé aux enfants de dire tout ce que le mot “migrant” leur évoque. “Étranger”, “pays”, “guerre”, “changement climatique”, “problème de scolarisation” ont été évoqués mais aussi “oiseau migrateur”, “hôpitaux” ou encore “alimentation”. « Selon la définition, un demandeur d’asile c’est une personne persécutée que ce soit parce qu’il y a la guerre, parce qu’elle pratique une religion ou en raison de son orientation sexuelle », a précisé Élodie Lamberet, ajoutant qu’un migrant « n’arrive pas en France, comme ça du jour au lendemain ». Bateaux pneumatiques bondés, économies de toute une vie flambées pour payer le passeur, voire esclavage, sont selon elle le quotidien de nombreux migrants avant leur arrivée en France. « Et quand leur demande d’asile est refusée, ils sont renvoyés dans leur pays. » L’animatrice a pris en exemple le parcours d’un jeune Camerounais, qui par manque d’eau dans son pays, l’empêchant de cultiver pour survivre, partirait au lac Tchad, dans le pays voisin, pour vivre de la pêche et envoyer de l’argent à sa famille. « Sauf que les moyens de communication ne sont pas aussi développés que chez nous, il ne sait pas que le lac Tchad est à sec. » Sur place, les passeurs attendent et promettent de lui offrir une meilleure vie. « Ils commencent par lui donner de l’argent puis lui disent que ça va s’arrêter, qu’il doit alors aller en Lybie. Pour lui la Lybie c’est un peu le paradis. » Sauf que la réalité est tout autre : « là-bas, il est torturé et devient esclave. Ça dure plusieurs mois, voire des années. Quand il est devenu trop faible, le passeur lui dit qu’il va traverser la Méditerranée. Alors que lui au départ il voulait juste aller au lac Tchad. »

La langue géorgienne, une énigme pour les élèves français

Ce fut ensuite au tour de Ketevan de prendre la parole. Ce qui a fait sensation ? Les heures d’école en Géorgie : « On commence à 9 heures et on termine à 14 heures », a témoigné l’adolescente. Mais attention, le nombre de semaines de vacances est moindre qu’en France. Ketevan a aussi récité l’alphabet géorgien, et a écrit dans sa langue natale son prénom ainsi que “bonjour” sur le tableau. Rien à voir avec l’écriture française. « La plupart du temps, c’est à ce moment-là que ça fait un déclic chez leurs camarades. Ils se rendent compte des difficultés que les jeunes migrants peuvent avoir au quotidien », confie Élodie Lamberet. Ketevan a en tout cas attiré l’attention de plusieurs élèves qui, à la fin de la séance, sont venus lui demander de dire des mots en géorgien.

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C’est le nombre de personnes, enfants compris, ayant fait une demande d’asile en 2018. Elle a été acceptée pour 46 700 d’entre eux.

C’est un luxe de vivre dans notre pays je vous l’assure. Dans certains pays, le moindre avion qui passe, c’est une bombe qui tombe

Élodie Lamberet, conseillère en économie sociale et familiale, association Le Pont

Une occasion de « casser les préjugés »

L’intervention de ce jeudi était organisée de concert avec la principale du collège Géraldine Doyon et Florence Boucheron, l’assistante sociale de l’établissement. Dans le cadre de ses fonctions à l’association Le Pont, Élodie Lamberet suit six enfants scolarisés au collège et au lycée de Louhans. « En discutant avec eux je me suis rendu compte que les choses n’étaient pas toujours claires dans les esprits de leurs camarades. Ils leur disaient par exemple « mais pourquoi tu ne comprends pas bien le français », témoigne Élodie Lamberet. Son intervention dans les classes où sont scolarisés ces enfants est pour elle, aussi une occasion de casser les clichés. « Non, il n’y a pas d’invasion de migrants. Et qui dit demandeurs d’asile ne dit pas qu’ils n’ont aucun droit. Ce qui est intéressant aussi je pense, c’est que les enfants vont en parler en rentrant chez eux et créer une communication au sein des familles », poursuit-elle. Élodie Lamberet. Elle se rendra auprès d’une classe de 3e  lundi et d’une classe de 4e  vendredi prochain. « J’aurais aimé intervenir auprès de toutes les classes mais mon emploi du temps ne me le permet malheureusement pas. »