À Chalon, Mâcon, Autun, Louhans, Le Creusot, Paray-le-Monial et ailleurs en Saône-et-Loire, des grandes surfaces, des boulangeries ou des restaurants décident de ne plus jeter leurs invendus du jour et de les proposer à moindre coût aux consommateurs via l’application Too Good To Go.

Claire Garcia-Large, gérante de Pixelles et pintxos à Chalon, écoule ses invendus depuis novembre 2019 sur l’application Too Good To Go.  Photo JSL /Catherine ZAHRA

Manger à petit prix, tout en luttant contre le gaspillage alimentaire, c’est ce que propose l’application Too Good To Go (en français : “trop bon pour être jeté”).

Dans le département, plusieurs boulangeries, des enseignes de grande distribution, des magasins bio ou encore des restaurants jouent le jeu, aidés par la loi et les sanctions s’alourdissant pour ceux qui ont la main trop leste en jetant des aliments encore consommables. Ils sont ainsi une quarantaine à proposer quasi quotidiennement des paniers avec leurs invendus du jour.

Tout le monde y trouve son compte

Claire Garcia-Large, gérante de Pixelles et pintxos à Chalon-sur-Saône, écoule ainsi ses tapas lui restant sur les bras depuis novembre 2019 sur Too Good To Go. « Je fais toujours la même quantité de pintxos (NDLR  : il s’agit de spécialités de tapas que l’on trouve essentiellement dans le Pays basque). En cette période hivernale, j’ai parfois moins de fréquentation, mais je ne peux pas me permettre de proposer moins de produits. Alors, cette application est un bon moyen pour les écouler et surtout ne pas les jeter. Il m’arrive, selon les quantités restantes, de proposer jusqu’à 10 paniers à sauver par jour. » Les “sauveurs” de pintxos ne sont pas forcément ses clients. « Le public est plus large, souligne-t-elle. Au-delà de la lutte contre le gaspillage alimentaire, c’est donc aussi un bon moyen de faire découvrir mon établissement. » La semaine dernière, Rafik a ainsi réservé un panier, qu’il a payé 3,99 €, composé de six à sept pintxos d’une valeur totale d’environ 12 €. « Je suis régulièrement en déplacement un peu partout », raconte-t-il. « Comme j’étais à Chalon, j’en ai donc profité. À chaque fois, ça me permet de déjeuner à moindre coût. Après, il faudrait qu’il y ait plus de commerces qui s’y mettent, surtout à la campagne. Quand vous sortez des villes, il est difficile de trouver des paniers à sauver  ! »

20 000 comme le nombre de repas sauvés depuis l’arrivée de Too Good To Go en Saône-et-Loire, où déjà une quarantaine de commerçants (boulangeries, restaurants, hypermarchés et même fleuristes) sont partenaires et 5 000 utilisateurs sont inscrits.

Nathalie Leblanc, conseillère régionale PS, Guillaume Garot, député PS de Mayenne qui a porté en 2016 la loi antigaspillage alimentaire, et Cécile Untermaier, député PS de Saône-et-Loire à l’initiative de cette réunion.  Photo JSL /Catherine ZAHRA

« Chaque habitant jette pour 100 € d’aliments chaque année »

« Je fête les quatre ans de la loi antigaspillage alimentaire à Chalon », sourit son auteur, Guillaume Garot. L’ex-ministre peut être satisfait car « la loi a produit son effet. Elle a permis d’augmenter de 23 % les dons des grandes surfaces aux associations de solidarité et tout autant pour la Banque alimentaire. »

Il était ce lundi soir invité en tant que spécialiste par la députée Cécile Untermaier, pour son conseil citoyen qui réunissait une cinquantaine de personnes. Le député de Mayenne vient de faire voter un amendement à sa loi afin que les entreprises agroalimentaires soient diagnostiquées sur la réalité de leur gaspillage en production.

Il souhaite aller encore plus loin avec « l’objectif de réduire de 50 % le gaspillage dans les restaurants collectifs et les grandes surfaces d’ici 2025, et dans la production industrielle et les restaurants commerciaux d’ici 2030 ».

Les enfants, meilleurs ambassadeurs

« Chaque année, les Français jettent 20 à 30 kg d’aliments dont 7 kg encore sous emballage », se navre Guillaume Garot. « Cela représente 100 € jetés à la poubelle. ». Le député a des pistes pour réduire ce gaspillage.

« Il faut mieux informer le consommateur, le principal gaspilleur. Qu’il sache que la date limite de consommation (DLC) des produits frais n’a pas la même incidence que la date de durabilité minimale (DDM) d’un produit sec. Dans le dernier cas, on peut manger le gâteau après la date. Il sera seulement moins croustillant », cite-t-il en exemple. Il prône aussi une éducation dès l’école sur les bons gestes, les repères, le bien manger sachant que les enfants sont les meilleurs ambassadeurs. Enfin, il souhaiterait mobiliser tous les acteurs des territoires sur cette question, « comme le fait ce soir Cécile Untermaier », souligne-t-il. « Afin qu’industriels, producteurs, collectivités… réfléchissent à économiser les ressources alimentaires car un tiers de la production alimentaire mondiale est jetée ou perdue tous les ans ».

« Il en va de l’avenir de la planète avec le réchauffement climatique », renchérit Cécile Untermaier.

Catherine ZAHRA

Eco’Cook permet de transformer des invendus alimentaires collectés dans des magasins   du Mâconnais et d’éviter qu’ils ne finissent dans une poubelle.   Photo JSL /Ketty BEYONDAS

À Mâcon, les invendus alimentaires sont cuisinés et transformés par Eco’Cook

Depuis quelques mois, la boutique Eco’Cook, portée par l’association Le Pont, au numéro 26 de la rue Bigonnet à Mâcon, a ouvert ses portes au public. Cette structure d’insertion affiche sa devise : « Du local en bocal ». À l’intérieur, 11 salariés en contrat de réinsertion, encadrés par deux salariés permanents, préparent des soupes, des plats cuisinés et des confitures avec les invendus alimentaires collectés dans des magasins du Mâconnais (Grand Frais, Carrefour Market, Boucherie André, des maraîchers de la région…).

« Nous faisons la tournée le matin », explique Céline Zwisler, encadrante technique du magasin Eco’Cook. « L’après-midi, nous les cuisinons. Une partie pour être consommé dans les trois jours. Une autre que nous stérilisons et pasteurisons avec notre autoclave, qui permet d’avoir une durée de consommation de trois ans. »

Les mets préparés sont ensuite vendus pour une somme modique (moins de 10  € pour un menu) au grand public ou commandés par des administrations, essentiellement pour leur repas de travail à l’heure du déjeuner. Eco’Cook assure également chaque jour la fourniture de 20 repas froids et 30 repas chauds à l’accueil de jour, géré par l’association Le Pont.

N. D.

Pour tester le projet de restaurant anti-gaspi, un apéro avait été préparé avec la collecte des invendus de grossistes.  Photo JSL

À Chalon-sur-Saône, un projet de restaurant anti-gaspi à l’étude

L’association Active à Chalon-sur-Saône accompagne le Grand Chalon pour la mise en place d’un tiers-lieu autour du développement durable. « À l’intérieur de ce lieu, provisoirement installé à l’Abattoir, on trouve un café réparation pour réparer soi-même son petit électroménager, son vélo… sans oublier des ateliers “Fais-y toi même” où l’on apprend à faire ses pastilles de lave-vaisselle ou encore sa lessive », souligne Annie Vital, chargée de projets. Un apéro anti-gaspi a été expérimenté en sollicitant des grossistes tels que Métro ou Promo cash. « Ils ont du mal à écouler leurs invendus qui ne peuvent pas être donnés à des associations car elles n’ont pas le droit de les reconditionner. Il faut donc les transformer. Après, la difficulté est d’élaborer un menu sans savoir ce que l’on récolte. » L’idée d’un restaurant anti-gaspi est donc bien avancée, l’utilité étant toute démontrée. Reste désormais à lui trouver un lieu adéquat équipé d’une cuisine.

N. D.

En chiffres

Chaque année en France, la quantité de déchets alimentaires s’élève à :

➤   Dans la distribution (hyper et supermarchés, hard-discounts, épiceries et commerces de proximité) : 2, 3 millions de tonnes.

➤   Dans la restauration (collective et commerciale) : 1,6 million de tonnes.

➤   Dans les foyers  : 5,2  millions de tonnes (soit 79 kg par personne). Sur ces déchets alimentaires jetés chaque année par chaque individu, tous ne peuvent pas facilement être limités (os, épluchures, etc.), mais 20  kg pourraient sans difficulté être évités si l’on acceptait de modifier à la marge nos comportements.

 

SOURCE : article du JSL, 10/02/2020, par Par Nicolas DESROCHES