« Tous les jours, j’entendais : “t’es débile, t’es nulle, t’es grosse” »

Sophie* est en procédure judiciaire avec son ex-compagnon pour des violences psychologiques. Elle témoigne de deux ans d’une relation toxique, dont elle est parvenue à s’extraire.

Sophie a vécu une relation toxique pendant deux ans. Avant de fuir, elle raconte avoir été insultée tous les jours. Photo d’illustration Le JSL /Tristan AUBRY

C’est une relation qui a duré deux ans, de 2014 à 2016. Une relation qu’on peut qualifier de toxique. Sophie*, la trentaine et originaire du Bassin minier, a pu l’arrêter, « avant qu’elle n’empire ». Quelques mois après, Sophie a porté plainte. Sur le PV, vieux de quatre ans, il est écrit « violences sans ITT ». Sophie a subi des violences psychologiques.

« Il parlait sans faire de faute, semblait cultivé »

Sophie a rencontré son ancien compagnon pendant ses études, à Dijon : « Il était beau physiquement. Il parlait sans faire de faute, semblait cultivé. » Au tout début, elle évoque une relation, avec un homme « très miel, qui me faisait des compliments ». Des compliments, il n’y en a pas eu longtemps, mais « il me disait qu’il m’aimait ». Ils ne vivent pas encore ensemble mais, déjà, « un jour, chez moi, il a tiqué parce qu’il y avait de la nourriture périmée de quelques semaines dans le frigo. Il m’a agressé verbalement et on s’est engueulés ». L’emménagement se déroule en mai 2016, dans une région autre que la Bourgogne.

« À force, je croyais ce qu’il me disait »

« Je ne sais pas à quel moment cette histoire a basculé, reprend Sophie. Tous les jours, j’entendais, “t’es débile, t’es nulle, t’es incompétente, t’es grosse”. Je travaillais avec lui, je finissais à midi. À midi et cinq minutes, j’étais dans notre appartement et il me pourrissait parce que le repas n’était pas prêt ! Au début, quand on vous dit que vous êtes une conne, ce n’est pas la fin du monde. A force, je croyais ce qu’il me disait. » Et des coups ? Sans minimiser, elle indique qu’il y a eu une à deux gifles et des bousculades.

‘‘Fuyez maintenant ! L’étape d’après, ce sera les coups’’

Mais Sophie aime son homme et veut résoudre ses problèmes de couple. Ils vont voir un professionnel : « La première fois, mon ex l’a retourné. Après le deuxième rendez-vous, ce conseiller, qui était aussi victimologue, m’a dit : ‘‘Fuyez maintenant ! L’étape d’après, ce sera les coups.’’ Et je suis partie. J’y suis arrivée car il n’avait pas brisé les valeurs de respect que m’avait appris ma mère. »

Elle rentre dans le Bassin minier. Elle porte plainte trois mois après et assure : « Il m’a fallu ce temps pour réaliser. J’ai eu besoin d’un à un an et demi pour me remettre. Ma famille et des amis m’ont soutenue. Je crois en la justice. Théoriquement, ses actes sont punis par la loi. »

Mais la procédure judiciaire n’est pas facile. Elle a une caisse transparente remplie de documents sur le sujet. Et d’assurer : « Une audience est prévue pour 2021. »

* Prénom d’emprunt.

Repère

Le Bassin minier lutte depuis 2013

Dans le département, les réseaux VIF (Violences intrafamiliales) ont commencé à se constituer dès 2005, grâce à Nathalie Bonnot.

Dans le Bassin minier, il existe depuis 2013 et compte les communes de Blanzy, Montceau, Saint-Vallier, Sanvignes, la police, le centre hospitalier, services sociaux du Conseil départemental, l’association le Pont, la Mission locale, le bailleur social l’Opac, France victimes 71, l’Éducation nationale, la police municipale et le CMP (centre médico psychologique).

Nathalie Bonnot, la déléguée départementale aux droits des femmes et à l’égalité.  Photo JSL /Ketty BEYONDAS

« Les agresseurs isolent les victimes »

« Dans les violences psychologiques dans un couple, la stratégie d’un agresseur est ainsi : climat de tension, violences psychologiques et rémission. Les périodes d’accalmie et de violences se suivent. Et le cycle monte en puissance à chaque fois. L’auteur justifie toujours ses actes, raconte Nathalie Bonnot, la déléguée départementale aux droits des femmes et à l’égalité en Saône-et-Loire. Les agresseurs isolent les victimes de leur famille, de leurs amis, ils les dénigrent. S’il y a des enfants, généralement, ils n’hésitent pas à les utiliser. Ils n’hésitent pas non plus à mettre leur victime sous une dépendance économique, en leur faisant arrêter le travail. »

Plus de temps à s’en remettre qu’un deuil

Le plus dur est que la victime prenne conscience des violences qui sont devenues le quotidien, voire qui l’ont peut-être toujours été dans sa vie. « Les femmes culpabilisent plus. Il y a quelques années, en Saône-et-Loire, un gendarme avait vu à différentes reprises une femme qui était battue. Un jour, il lui a dit qu’il ne voulait pas la voir à la morgue. Ça a été une étincelle. Elle a été sauvée », reprend Nathalie Bonnot.

Comment peut agir une victime qui se rend compte de la situation ? « Nous l’écoutons et nous l’évaluons, poursuit la responsable. Si on considère qu’elle est victime, alors on avise la police pour que l’agresseur ne puisse pas porter plainte pour abandon de domicile. On va leur proposer de quitter leur domicile. »

La déléguée départementale aux droits des femmes et à l’égalité indique qu’il faut un suivi psychologique : « On met plus de temps à se remettre de genre de violences qu’à sortir d’un deuil. »

659 plaintes ont été déposées dans le cadre des violences intrafamiliales entre le 1er  janvier et le 30 septembre. Depuis le début de l’année, aucun féminicide n’a été déclaré en Saône-et-Loire.

SOURCE : article du JSL du 21/12/2020 – par Tristan AUBRY